Cyberdépendance
Les jeux, les applications et les médias sociaux exercent une grande fascination sur les adolescents. Les jeux éveillent leur soif d’aventure et satisfont leur besoin de réussite. Sur les réseaux sociaux, les jeunes font l’expérience de la reconnaissance et de l’appartenance sociale. Beaucoup de fournisseurs de services en ligne développent continuellement des systèmes de récompense toujours plus sophistiqués pour conserver l’attention des utilisateurs, ce qui augmente le risque de dépendance. Lorsque la vie d’une personne ne tourne plus autour du monde réel mais autour du monde virtuel, cela peut avoir des conséquences dramatiques à long terme. Cette rubrique vous aide à reconnaître quand il y a utilisation problématique d’Internet et cyberdépendance, et vous explique comment soutenir votre enfant pour instaurer un équilibre entre loisirs avec et sans médias numériques.
Bon à savoir
On parle de cyberdépendance lorsqu’une personne passe un temps excessif sur Internet, que ce soit sur son téléphone mobile, sa tablette ou son ordinateur. Scientifiquement parlant, il n’existe pas de définition ni de terminologie généralement admises. Cela est dû en partie au fait qu’un temps d’écran excessif n’est pas nécessairement le signe d’une addiction. Au lieu de cyberdépendance, on parle donc souvent d’utilisation problématique ou pathologique, ou de dépendance à Internet. Par ailleurs, on trouve sur Internet de nombreux contenus au potentiel addictif. C’est pourquoi certains chercheurs préfèrent distinguer différents types d’addictions comportementales, tels que la dépendance aux achats, au jeu ou au sexe.
Divers modes d’utilisation d’Internet peuvent devenir pathologiques et s’accompagner d’une perte de contrôle :
- la recherche permanente d’informations et la navigation maladive sur Internet, menant à un excès d’informations ;
- le temps excessif passé sur des jeux en ligne ;
- la visite compulsive de certains sites Internet, par exemple d’achat, de transactions, de jeux de hasard, de pornographie, etc. ;
- l’utilisation excessive de tchats ou des réseaux sociaux (dépendance aux relations en ligne).
En cas de cyberdépendance, la personne concernée a des difficultés à se déconnecter (perte de contrôle), elle pense en permanence à l'activité en ligne et fait passer sa vie virtuelle avant sa vie réelle. Il y a ainsi des adolescents qui se retirent dans leur chambre pour jouer en ligne, alors que leurs copains sont tous dehors, qui refusent les repas en commun ou qui, en vacances, s'opposent à toute activité en famille parce qu'ils veulent rester connectés. Une durée d'utilisation excessive des médias ne suffit pas, à elle seule, à caractériser une cyberdépendance. En revanche, les raisons qui poussent à consommer des contenus en particulier jouent un rôle.
À long terme, une utilisation excessive des médias peut avoir des conséquences négatives sur tous les domaines de la vie (vie sociale privée, loisirs, formation, travail) :
- baisse des résultats scolaires et/ou du travail ;
- isolement social ;
- fatigue excessive par manque de sommeil ;
- perte de contact avec les personnes du même âge, négligence des devoirs scolaires et de la vie familiale ;
- manque d'intérêt pour d'autres activités de loisirs.
Outre ces conséquences sociales, le manque de mouvement dû au fait de rester pendant des heures devant un écran peut entraîner des problèmes physiques comme des déformations musculaires et l'adoption de mauvaises postures, mais aussi un surpoids, des maux de tête ainsi que des troubles de la vue et du sommeil.
La dépendance aux jeux vidéo et la dépendance au sexe ou à la pornographie sont officiellement reconnues comme des maladies par l’Organisation mondiale de la santé. Depuis début 2022, elles figurent dans le catalogue international CIM-11. Cette classification ne fait pas de distinction entre le comportement en ligne et hors ligne.
Selon le CIM-11, on parle de trouble du jeu vidéo (gaming disorder) lorsque les aspects suivants sont observés sur une période d’au moins douze mois :
- perte de contrôle sur le comportement de jeu (par ex. fréquence, durée, intensité, début et fin) ;
- importance croissante accordée au jeu, au point de ne presque plus s’intéresser ni consacrer de temps aux autres domaines de la vie ;
- impossibilité d’arrêter de jouer malgré les conséquences négatives (par ex. isolement social).
Le trouble compulsif du comportement sexuel, dont fait partie la dépendance à la pornographie, se manifeste de façon similaire :
- la personne est incapable de contrôler ses impulsions sexuelles, sur une période prolongée (au moins six mois) ;
- les activités sexuelles deviennent un des points centraux de sa vie, voire le seul, au point d’en négliger d’autres domaines ;
- les efforts pour réduire ce comportement compulsif s’avèrent jusque-là infructueux ;
- même si la personne n’éprouve plus de satisfaction à regarder des images pornographiques, elle ne parvient pas à arrêter ;
- les relations personnelles, familiales, sociales et/ou professionnelles sont affectées par ce comportement excessif.
D’une part, cette adaptation permettra de mieux diagnostiquer et traiter les personnes concernées ; d’autre part, la formulation d’une définition et de critères uniformes aideront à mieux étudier ces maladies et à développer des thérapies appropriées.
Les adolescents constituent le principal groupe à risque concernant la cyberdépendance, en particulier ceux qui sont anxieux, dépressifs ou qui ont une faible estime d'eux-mêmes. Les problèmes émotionnels semblent plus faciles à surmonter en jouant, en surfant et en tchattant. Une étude longitudinale (Grund/Schultz 2017) relève plusieurs facteurs de risque pour la cyberdépendance : un manque de compétences socio-émotionnelles, un statut socio-économique modeste, une expérience relationnelle négative durant la petite enfance, un stress psychique de la mère ou/et un parcours migratoire.
Par ailleurs, le manque de compétences médiatiques augmente également le risque de ne pas pouvoir contrôler son utilisation des médias numériques (étude BLIKK 2017). C'est la raison pour laquelle il est très important que les enfants apprennent le plus tôt possible à utiliser les médias numériques de manière responsable et critique.
En Suisse, la plupart des adolescents utilisent beaucoup Internet. En moyenne, les 12-19 ans passent de 3 à 4,5 heures par jour en ligne (étude JAMES 2024). Pourtant, la grande majorité d’entre eux a un rapport sain aux médias numériques (JAMESfocus 2017).
7,4 % des 15-19 ans ont une utilisation problématique de médias numériques (Monitorage suisse des addictions, 2015). Ce groupe présente un risque plus élevé de développer des problèmes physiques et psychiques. Toutefois, le fait de constater que des jeunes présentent des signes de dépendance vis-à-vis des médias ne signifie pas pour autant qu’ils sont cyberdépendants : à cet âge, des phases de comportement excessif peuvent aussi correspondre à un développement normal.
Interrogés dans le cadre de l’étude EU Kids online Suisse (2019) sur les conséquences négatives de leur propre rapport à Internet, 14 % des 11-12 ans, 38 % des 13-14 ans et 49 % des 15-16 ans confirment au moins une chose : leur utilisation d'Internet les mène à négliger avant tout la famille, les amis et les devoirs à domicile. En outre, ils s'ennuient plus facilement lorsqu'ils sont hors ligne, et leur utilisation excessive d'Internet peut être source de conflits. Près d’un quart des personnes interrogées ont déjà essayé de réduire leur temps en ligne, mais sans succès.
L’étude Always on (2019), menée auprès de jeunes âgés de 16 à 25 ans, montre que les jeunes femmes vivent moins bien la connexion permanente que les jeunes hommes. Elles se sentent mal, car elles se comparent à d’autres ou sont mises sous pression par les applications et les réseaux sociaux, par exemple. Dans cette étude, quasiment toutes les personnes interrogées ont indiqué appliquer des stratégies d’autorégulation, comme ne pas utiliser son téléphone mobile lors de la réalisation d’une tâche nécessitant de se concentrer, désactiver les notifications ou supprimer les applications trop chronophages. 28 % des 16-25 ans s’imposent des limites de temps passé sur Internet.
Oui, les cantons et les communes proposent diverses offres. Les services de consultation en matière de dépendance fournissent également des conseils sur l'utilisation problématique d'Internet.
Selon la gravité du problème, différentes offres peuvent être adaptées : une aide en ligne, des conseils, une intervention courte, un traitement ambulatoire ou hospitalier. Ces derniers s'imposent en particulier en cas de très forte dépendance. Il est important de rechercher de l'aide sans tarder. → Autres informations utiles
Les objectifs fixés aux personnes concernées vont d'une réduction - parfois tout à fait supportable, parfois radicale - du temps passé sur Internet à l'abstinence totale. À terme, l'idée consiste à leur faire (re)découvrir d'autres types de comportements, à affirmer leur personnalité, à renforcer leur confiance en elles et, le cas échéant, à les libérer de leur anxiété sociale.
À quoi faut-il faire attention?
Comment mon enfant peut-il se protéger ?
- Faire preuve d'introspection critique (tenir un journal d'utilisation des médias).
- Porter une montre au poignet et utiliser un réveil analogique pour éviter de regarder systématiquement l'heure sur le téléphone mobile.
- Se protéger des distractions numériques, par exemple en désactivant les messages ou notifications inutiles
- Rechercher rapidement de l'aide lorsque l'utilisation devient incontrôlable, que les relations sociales en pâtissent, que l'école ou le travail sont négligés ou quand apparaissent des symptômes de privation comme la nervosité, l'anxiété ou la dépression.
Que peuvent faire les parents ?
L'encouragement des compétences médiatiques peut aider à prévenir les risques. Les enfants doivent apprendre à utiliser les médias numériques de manière consciente et surtout responsable, et à porter un regard critique sur leur utilisation. Il ne s'agit pas de renoncer à toute consommation, mais d'empêcher ou de minimiser les conséquences néfastes. Encouragez votre enfant des manières suivantes :
- Demandez à votre enfant de vous montrer ses jeux et ses applications, et discutez avec lui de ses activités en ligne et de ses sites favoris. Demandez-lui pourquoi il les utilise.
- Intéressez-vous à sa vie de manière générale, à ses problèmes et à ses expériences, et aidez-le à affirmer sa personnalité.
- Discutez avec votre enfant de ses moyens de s'informer et de se divertir.
- Réfléchissez à la manière dont il pourra satisfaire ses envies d'aventure, ses besoins d'appartenance, de succès et de reconnaissance dans le monde réel également.
- Faites attention à vos propres habitudes d'utilisation des médias, car les enfants ont besoin de modèles en la matière.
- Respectez les limites d'âge des jeux vidéo. Le système PEGI indique le type de contenu (violence, sexualité, etc.) grâce à des pictogrammes.
- Décidez avec votre enfant du temps qu'il est autorisé à passer par jour ou par semaine devant un écran et veillez à ce qu'il s'y tienne.
- Tenez un → journal de bord des médias.
- Bannissez la télévision, l'ordinateur et la console de jeux de la chambre de votre enfant. Placez ces appareils dans une pièce de vie commune. Gardez à l'œil les smartphones, les tablettes et les ordinateurs portables.
- N'utilisez pas les médias comme moyen de récompense ou de punition, cela leur donnerait trop d'importance aux yeux de votre enfant.
- Veillez à organiser des activités de loisir intéressantes aussi sans médias numériques. Montrez à votre enfant d'autres possibilités de s'occuper seul ou en famille, par exemple lire, jouer à des jeux de société ou jouer dehors. En effet, il est aussi important de bouger. En général, les enfants aiment bien passer du temps avec leur famille.
- Montrez à votre enfant comment utiliser les médias de manière créative et encouragez-le ainsi à en faire usage de manière intelligente. → Rechercher et apprendre
- Montrez vous aussi l'exemple en passant du temps loin des médias.
- Votre enfant cherche refuge sur Internet pour échapper aux émotions négatives et à ses problèmes personnels, comme la solitude, l'exclusion sociale ou le manque de confiance en lui ? Discutez-en avec lui.
- Si vous constatez que les médias ont une influence négative sur votre enfant, parlez-en avec lui en exprimant vos préoccupations et vos craintes. Voyez avec lui le soutien dont il a besoin et proposez-lui votre aide.
- Limitez la durée quotidienne ou hebdomadaire que votre enfant peut passer devant un écran et trouvez avec lui d'autres idées d'activités de loisir.
- N'hésitez pas à demander de l'aide → Autres informations utiles
- Ne mettez pas votre enfant sous pression.
- Évitez de le stigmatiser et ne parlez pas trop hâtivement de cyberdépendance.
Autres informations utiles
- Dossier sur l'hyperconnectivité du GREA
- Mon ado : site internet et vidéos explicatives destinés aux parents dans un langage simplifié
- Cyberaddiction sur safezone.ch
- Faits et chiffres sur le site d'Addiction Suisse
- Pour des informations, des conseils ou des adresses dans votre région, adressez-vous à Addiction Suisse
- Plateforme d'information ciao.ch sur le thème des dépendances sans produits de la dépendance à Internet
- Tests de cyberdépendance pour les jeunes:
- Site ciao.ch – addict au smartphone ?
- Addiction Vaud
- Consultation en ligne sur Safezone.ch
- Fondation Phénix
- Centre du jeu excessif du CHUV
- Soutien pour trouver l'offre d'aide le plus indiqué