Le jour de la déposition, Lina est stressée, mais déterminée à contribuer à l’enquête par son témoignage. Le bâtiment de la police est immense. Comme à l’aéroport, on vérifie nos pièces d’identité et nous passons un contrôle de sécurité avant de prendre l’ascenseur pour monter quelques étages. Là, nous attendons au mauvais endroit pendant un bon moment avant que la policière et la psychologue nous trouvent. Contrairement à ce que nous pensions, la psychologue ne reste pas aux côtés de Lina pendant l’interrogatoire, mais dans une pièce voisine où elle peut suivre la discussion par vidéo. Je me tiens derrière Lina dans un coin de la pièce. Encore une fois, on me rappelle de rester totalement calme.
L’interrogatoire dure plus d’une heure et se déroule sans parti pris. Je comprends que cela doit se passer ainsi pour éviter tout risque de partialité. Mais est-ce que Lina le comprend aussi ? Ou est-ce que ça lui paraît simplement froid et sans empathie ? En tout cas, la policière ne fait aucune remarque compatissante et ne demande pas à Lina si elle a besoin d’une pause, d’un mouchoir ou d’une gorgée d’eau. Dès que je m’agite un peu, elle me demande immédiatement de rester calme. Alors je me mords les lèvres, même si, à plusieurs reprises, j’aurais volontiers apporté des précisions ou des explications aux déclarations de Lina qui dans la nervosité n’a pas su bien restituer les événements.
En tant que maman, j’étais contente de ne pas entendre pour la première fois ces faits dans cette salle d’interrogatoire froide. Je ne sais pas comment j’aurais réagi. Aurais-je crié ? Pleuré ? Vomi sur le tapis propre ? Je suis aussi contente pour Lina, qui a a eu la possibilité de décrire ce qui s’est passé ces derniers jours dans un environnement familier, rassurant et compatissant.
*
Je n’ai pas de conclusion, mais j’ai quelques demandes :
Aux parents et autres personnes de référence
Sensibilisez vos enfants des signes du cybergrooming, expliquez-leur clairement à quel point ce comportement est répréhensible et punissable. Cependant, il se peut que vos filles ou fils tombent dans les pièges de séduction des agresseurs, surtout s’ils ne vont déjà pas bien pour d’autres raisons. Ne vous fâchez pas contre eux ou contre vous-même, ne les culpabilisez pas et protégez-les de ceux qui voudraient les accuser de complicité. Cherchez de l’aide pour votre enfant et peut-être également pour vous-même, par exemple auprès d’un service d’aide aux victimes.
À la police
Dans notre cas, la prise de contact et la déposition se sont bien passées. Je trouve que l’accompagnement des adolescents par une personne de confiance ne devrait pas être facultatif, mais obligatoire, même si cette personne ne peut rien dire. Il aurait été important d’être mieux informée en amont sur le déroulement de la discussion et sur le fait que la psychologue n’est pas présente physiquement lors de la déposition. De même, j’aurais souhaité que la psychologue de la police ou la policière insiste sur la gravité des événements vécus par ma fille, sur le fait qu’elle n’est pas coupable et que son témoignage soutient la procédure contre l’auteur. La police ou les autorités de poursuite pénale devraient également fournir en temps utile des informations transparentes sur la suite de l’enquête.
Aux adolescents
Vous avez peut-être déjà entendu parler de cybergrooming à la maison, à l’école ou dans les médias. Peut-être vous êtes-vous rendu compte que vous en avez déjà été victimes ou que vous en êtes victimes actuellement. Avoir honte ou se sentir coupable d’avoir été victime et d’avoir participé ne sert qu’aux agresseurs (potentiels). Vous n’y pouvez rien et vous n’êtes pas seuls ! Cherchez impérativement une personne de confiance qui peut vous apporter son soutien pour y faire face ou pour porter plainte.
*
Trouvez de l'aide ici :